Armande Nabot, piqûres de rappel !

Armande Nabot est à 97 ans la doyenne de la résidence Michelet. Elle est arrivée à Bondy en 1962. Cette ex-infirmière née à Alger aime distribuer bonbons et souvenirs… avec l’accent pied-noir.

C’est ma mère, elle va vous par- ler pendant des heures, vous allez voir ! » La réputation d’Armande Nabot l’aura donc précédée comme une sympathique alerte de tornade verbale. Si bien que, après nous avoir affectueusement attrapé par la main, la doyenne de la résidence Michelet a conduit l’entretien à sa guise, faisant fi de toutes les tentatives de recadrages de sa fille Jacqueline, la benjamine. Par exemple, Armande elle veut pas s’asseoir et virevolte devant le mur de son salon largement parcellé de pho- tographies : « Regardez, ils sont là, c’est la famille ! J’ai eu trois filles, treize euh non, onze petits-enfants. J’en ai marié quatre, et il y aura bientôt un vingt-cinquième arrière petit-enfant, monsieur ! » En une phrase, on a capté le chouia d’accent pied noir qui ira crescendo avec le déroulé du parcours d’Armande. Elle est d’Alger, classe 1922, issue d’une famille juive aussi « ce qui ne posait aucun problème avec les Arabes et les catholiques. Ils savaient quand avaient lieu nos fêtes. »

La couscoussière de son mariage

Une vie sans histoire jusqu’à ce que l’Histoire rattrape les Juifs d’Algérie entre 1940 et 1942 précisément alors qu’à 17 ans Armande commence sa formation au métier d’infirmière en tant que bénévole à la clinique de la Croix Rouge à Alger :

« Le typhus, le choléra, ouh là là, à cette époque on a  connu  la  pénicilline  et je faisais beaucoup de piqûres ! »

Comme pour cette entrevue, finalement, où la fringante mamie distille les piqûres de rappel mémorielles.
Une autre ? « Je me suis mariée en 1946, après le retour des hommes de la guerre », lancera-t-elle avant de nous diriger vers la cuisine pour nous montrer des ustensiles qui datent d’avant le rapatriement, « voilà la couscoussière de mon mariage et la gamelle pour faire le nougat ! ». On ne sait plus où donner de la tête – la mamie n’aime rien tant que partir en digressions ! – mais comprend que la famille est passée par Marseille avant de se fixer à la résidence Michelet en 1962, qu’entre-temps Armande est devenue nourrice agréée (elle a gardé tous les albums photo avec les enfants), que le conjoint Léopold est décédé il y a longtemps maintenant…

Distribution d’affection

Le verbe et la verve intarissables, la qua- si-centenaire tient absolument à montrer que l’appartement est bien tenu par ses soins, quand bien même il y a une dame qui passe dans la semaine, il faut bien. Quoi d’autre ? Sur la table, une photo de printemps avec les enfants de la résidence, parce que les minots adorent la vieille dame qui leur distribue régulièrement des bonbons, et de l’affection aussi. Juste à côté sont compilés tous les livres, la plupart dédicacés, de Martin Winckler, l’écrivain qui est aussi apparenté à Armande. Allez, une dernière piqûre de rappel, pour l’Algérie, pourtant présente dans l’appartement, mais dont paradoxalement on ne parlait pas trop. « En 2006, ma fille Jacqueline a voulu connaître son pays natal. Alors on y est retourné ! ». (La suite pourrait certainement inspirer quelques chapitres au petit-cousin Winckler)…

1922 : naissance à Alger d’Armande Molina

1939 : apprentissage du métier d’infirmière à la Croix Rouge

1946 : mariage avec Léopold Nabot

1962 : départ d’Alger pour Marseille, puis Bondy

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