Bouchera Azzouz, aux armes citoyennes !

Autrice, réalisatrice, ambassadrice des mères et des filles, de l’asphalte jusqu’à l’ONU, Bouchera Azzouz, se bat pour rendre visible les femmes dans la société. Elle réalise des documentaires poignants dans lesquels elle questionne l’immigration mais pas que…

Bouchera : écrivain public précoce

Je suis l’aînée des filles de ma fratrie et la 3e de 10 enfants, autant dire que très jeune j’ai été propulsée au sérieux d’une responsabilité qui vous oblige à apprendre tout très vite et à devenir  l’« adjoint-mère ». Dès lors que j’ai appris à lire et à écrire, je suis devenue le « bras armé du stylo » de ma mère. Écrire pour elle, c’était remplir les feuilles de sécu, faire les chèques et puis plus tard les courriers. Mon père avait acheté un petit livre qui s’appelait « le parfait secrétaire », c’est comme ça que j’apprenais les formules de politesse, la présentation des lettres et puis avec le temps on apprend l’essentiel, le contenu et l’argumentation.

Jamais sans sa mère… 

Je me souviens que je séchais l’école pour aller avec ma mère à la maternité de l’hôpital de la Fontaine à Saint-Denis, où elle accouchait quasi tous les ans, depuis ma naissance à celle de ma plus jeune sœur en 1978. J’ai toujours conservé pour ma mère une tendresse, parce que je l’ai vu sa vie durant se battre contre un système patriarcal, qu’elle n’a jamais accepté mais aussi contre elle-même, pour s’émanciper de multiples oppressions qui pesaient sur elle.

J’ai toujours eu aussi de l’admiration pour son courage et de l’indulgence pour ses contradictions, parce que comme le disait Simone de Beauvoir, « On ne nait pas femme on le devient ».

… et pour toutes les « daronnes » 

J’ai tenu, dans mon premier film, à rendre à « nos mères, nos daronnes » le mérite de leurs luttes invisibles, dont ma génération, celles qu’on appelait alors « beurettes » étaient les héritières. Nous avons mené comme elles, courageusement, dans l’ombre et presque l’indifférence, des combats aussi douloureux que violents, à la fois contre le racisme structurel en proie dans la société française des années 70/80 sur laquelle pesait encore très lourd la guerre d’Algérie.  Mais aussi au sein de nos familles qui n’imaginaient pas inscrire leur immigration dans la durée, enfermant leurs enfants et les filles en particulier dans des schémas traditionnels.

Scribe, conteuse, artiste sans frontière 

C’est un peu par hasard que je suis venue au documentaire. Une formation de scénariste au sein de la Fondation TF1 et tout d’un coup l’évidence de raconter des histoires pour le grand public est née. Aujourd’hui j’aimerais explorer de nouvelles formes d’expression. J’ai toujours aimé le dessin, la photo, mais aussi le chant. Je me suis mise en tête de faire sur mes prochaines fictions les BO de mes films, de composer et d’écrire mes textes. C’est une passion que j’ai depuis l’enfance, je ne sais pas comment je suis tombée dans le chant lyrique que j’ai pratiqué adolescente à Bobigny au conservatoire Jean-Wiener.

Conseil de grande sœur 

J’aimerais que chacune interroge le plus tôt possible sa condition, ses contraintes, ses choix ou non choix, les pressions autant que les oppressions qui pèsent sur sa vie. Le plus tôt on se pose ses questions sur soi, le plus tôt on prend conscience de la nécessité d’organiser ses luttes. Les femmes ont certainement une longueur d’avance sur les hommes, parce qu’elles savent depuis toujours, que leur condition de femmes les oblige à être en permanente vigilance. Cette vigilance couplée de nos révoltes propres, c’est cela qui construit solidement notre chemin et qui nous amène un jour à nourrir les plus hautes instances de notre parcours personnel.

2006
Création de l’Association « Les Ateliers du féminisme populaire »

2015
Écriture et co-réalisation du documentaire Nos Mères Nos Daronnes

2019
Réalisation d’un 2e documentaire On nous appelait beurettes

2020
Membre du Comité Consultatif ONU Femmes France

2021
Diffusion de son dernier documentaire Meufs de (la) cité

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