David Boulakia fait tourner ses disques

Bénévole à la maison de quartier Sohane, David propose aux adultes d’apprendre le français par la chanson. Bondynois, passionné de musiques et disquaire aux puces de Saint Ouen, il est le professeur idéal.

Venir un jeudi matin à la maison de quartier Sohane peut être assez surprenant. On peut entendre distinctement des classiques de la chanson française tels que Chansons pour l’auvergnat de Georges Brassens, Le déserteur de Boris Vian ou encore Il jouait du piano debout de France Gall résonner dans l’une des salles. On saisit même les voix de plusieurs personnes reprendre timidement ces morceaux. Karaoké improvisé ? Non, simple « cours de langue française » annonce David, l’homme à la platine rouge. « Ces cours ponctuels permettent aux apprenants d’améliorer leur accent et de découvrir de nouveaux mots. » David file un coup de main bénévolement depuis 2016 mais ce n’est que depuis six mois qu’il met sa passion au service de ces cours. Pas question de diffuser de simples CD, David apporte avec lui ses vinyles et sa platine portable. Avec ses cheveux longs, on pourrait le croire fan de Julien Doré. Il a plutôt un goût prononcé pour l’inconnu, le disque obscur qui n’a pas marché et qui reste à partager. « J’ai grandi avec les prémices du rap en France, une musique qui m’a ouvert à toutes les autres. On y trouve des samples* de soûl, de jazz, de funk… »

David mais pas Guetta

Ce goût pour la musique, il l’a depuis l’adolescence. À 19-20 ans, il acquiert ses premières platines. Il commence à chiner en brocante, achète des disques pour sampler* et découvre tout un tas de musiques. Il fait ses armes dans des maisons de disque indépendantes durant une dizaine d’années et distribue d’excellents rappeurs comme l’américain Edan ou les français Less du neuf et L’exécuteur de Hong Kong. S’il a toujours fait des brocantes pour découvrir de nouveaux genres musicaux, il augmente la cadence et s’y rend tous les week-ends durant deux ans à partir de 2006 ! « C’est comme ça que j’ai pu m’ouvrir à des musiques que je ne pensais pas aimer un jour » explique-t-il. « J’adore désormais la musique antillaise des années 60 à 80 et celles liées aux différentes diasporas comme la musique nord-africaine. » Batteur et Dj à ses heures perdues, il met à profit toutes ses connaissances pour « trouver des sources musicales qu’on imagine éloignées mais qui se marient très bien ensemble ». Une activité essentielle qui lui permet de partager ses découvertes, de créer et de ne jamais connaître la routine.

Musique dans le sang, cœur sur la main

David est enfin passé d’acheteur à vendeur de vinyles. D’abord en brocantes puis au marché Dauphine, l’espace le plus sympa du marché aux puces de Saint Ouen. « Je tiens le stand 267 depuis quatre ans. Il y a beaucoup de passage. Des passionnés, des DJ de passage, des curieux d’ici et d’ailleurs… tout pour faire de belles rencontres. » Comblé dans sa vie professionnelle, il l’est aussi dans sa vie personnelle avec une compagne « artiste peintre, véritable jukebox vivant qui me souffle des idées de chanson pour les cours », et une petite fille de 9 ans, « qui préfère un bon vieux Tribe Called Quest aux productions actuelles ». En 2016, il décide de s’investir et de se rendre utile à Bondy. Depuis, c’est aux côtés de Juliette qu’il intervient chaque semaine durant les cours de langue française à la maison de quartier Sohane. Un duo qui marche du tonnerre et qui permet à David « de découvrir une réalité que je ne côtoie pas habituellement et qui m’apporte énormément ».

*sample : extrait sonore sorti de son contexte afin d’être réutilisé pour en faire une nouvelle création.

1975 : Naissance
1994 : acquisition de sa première platine
1999-2008 : employé chez les labels Chronowax et 2good
2003 : arrivée à Bondy
2014 : disquaire aux puces de Saint Ouen (stand 267)
2016 : bénévole à la maison de quartier Sohane

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